Kamairicha : l’autre thé vert japonais, rare, ancien et méconnu

Découvrez le kamairicha, un thé vert japonais rare et méconnu. Son histoire ancienne, sa méthode unique et son parfum doux en font un thé à redécouvrir.

11/26/20254 min temps de lecture

Tasses et feuilles de kamairicha
Tasses et feuilles de kamairicha

Le kama-iri cha (釜炒り茶), ou kamairicha, est l’un des thés verts japonais les plus rares aujourd’hui. Pourtant, il est bien plus ancien que le sencha, et représente un véritable héritage historique.
Contrairement à la grande majorité des thés verts japonais, dont l’oxydation est stoppée par la vapeur, le kama-iri cha utilise une méthode d’origine chinoise : le chauffage direct dans une poêle en métal, à haute température.
Cette technique donne un thé vert doux, frais, légèrement torréfié, sans astringence et doté d’un parfum unique appelé kama-ka (釜香).

Un thé ancien introduit avant le sencha

On estime que le kama-iri cha apparaît au Japon à la fin du XVᵉ siècle.
Durant l’époque d’Edo (1600-1867), il est connu sous le nom de tô-cha (唐茶), littéralement « thé chinois », et rencontre un grand succès auprès des lettrés.

Son déclin commence à la fin du XIXᵉ siècle, lorsque le gouvernement encourage la production de sencha étuvé destiné à l’exportation. Peu à peu, la méthode traditionnelle du kamairicha tombe dans l’oubli. Avant cela, certains lettrés tels Ueda Akinari 上田秋成 (1734-1809) commençait déjà à déconsidérer le kamairicha, lui reprochant sa couleur rouge et non pas verte comme le sencha - probablement dû au séchage au soleil des feuilles.

Un thé rare et typique de Kyûshû

Le kamairicha est désormais produit presque exclusivement sur l’île de Kyûshû, où il représente moins de 0,3 % de la production totale de thé japonais (un peu plus de 200 tonnes par an). Aujourd’hui, son nom officiel est : kama-iri-sei tamaryoku-cha (釜炒り製玉緑茶) par opposition au mushi-sei tamaryoku-cha (蒸し製玉緑茶), son équivalent étuvé.

Les principaux terroirs sont :

  • préfecture de Miyazaki : Gokase et Takachiho (première région productrice avec 180 tonnes environ)

  • préfecture de Kumamoto

  • préfecture de Saga, autour d’Ureshino (où l’image du kamairicha reste très forte)

Comment reconnaître un véritable kamairicha ?

Un kama-iri cha traditionnel présente :

  • des feuilles vert olive, mates, légèrement blanchies

  • une liqueur jaune doré, limpide

  • un parfum doux, léger, très rafraîchissant

  • une note aromatique caractéristique : la kama-ka, distincte de la torréfaction finale

Aujourd’hui, de nombreux thés étiquetés kamairicha sont en réalité très verts, brillants et proches du sencha — une influence des standards des concours, qui uniformisent malheureusement les styles.

Il existe par ailleurs deux anciennes méthodes régionales pour la fabrication du kama-iri cha lorsque le chauffage était effectué à la main :

  • Méthode d’Ureshino (嬉野) : poêle inclinée, utilisé à Saga.

  • Méthode d’Aoyanagi (青柳) : poêle horizontale, utilisée à Kumamoto et Miyazaki.

La fabrication du kamairicha

La fabrication du kama-iri cha est peu standardisée, ce qui explique la grande diversité des profils aromatiques selon les producteurs malgré une tendance à l'uniformisation. Voici cependant les grandes étapes traditionnelles :

1. Chauffage initial des feuilles (iriha-ki 入り葉機)

C’est l’étape décisive du kamairicha.
Les feuilles fraîches sont chauffées dans une machine dont la surface atteint 300 à 350 °C lors de la première phase.
Ce choc thermique stoppe instantanément l’oxydation, selon la méthode chinoise.

Les deux phases suivantes sont effectuées à des températures plus basses. Anciennement, cette étape était réalisée à la main, dans une grande poêle en métal (kama), et certaines machines anciennes servent encore aujourd’hui au séchage.

2. Malaxage (jûnen-ki 揉捻機)

Comme pour le sencha, les feuilles sont ensuite malaxées afin de libérer leurs sucs internes et d’homogénéiser le séchage.

Certains producteurs ajoutent une étape de malaxage grossier (sojû 粗揉), empruntée au sencha, ou utilisent une machine de malaxage intermédiaire (chûjû-ki).

3. Premiers séchages

• Séchage dans le suikan-ki

Deux types existent :

  • chauffage direct → style plus authentique, avec vrai parfum de kama-ka

  • souffle d’air chaud → résultat plus vert, proche du sencha

4.Deuxième séchage (shime-iri-ki 締め炒り機)

5.Séchage final (kansô-ki 乾燥機)

Le kamairicha est plus difficile à sécher que le sencha. La température est d’environ 60 °C, plus chaude et plus longue que pour le séchage classique d'un sencha.

Un style non standardisé, entre charme et fragilité

L’absence de standardisation donne aux kamairicha un côté artisanal, souvent très authentique, mais rend aussi le produit irrégulier, et soyons honnête, c'est aussi ce qu'on apprécie chez Chanoki.
Beaucoup de producteurs ont aussi été influencés par les standards esthétiques des concours, ce qui a donné naissance à des kama-iri cha très verts, brillants et riches en umami, ce qui donne des kama-iri cha parfois très éloignés du style traditionnel et ce qui lui enlève aussi son originalité.

Comment infuser le kamairicha ?

Pour un kamairicha de consommation quotidienne (tel qu’il est bu à Kyûshû), on utilise fréquemment une eau très chaude à 90–95 °C alors que pour les kamairicha de plus grande qualité, 80 °C pour la première infusion est une excellente base.

Comme toujours avec les thés japonais : la température idéale dépend du cultivar, du terroir, du profil aromatique et des préférences de chacun.

Un trésor oublié à redécouvrir

Le kamairicha est un thé aujourd'hui rare, ancien et profondément japonais, malgré son origine technique chinoise.
Avec sa douceur, son parfum léger et son caractère artisanal, il offre une expérience totalement différente du sencha, et mérite largement d’être redécouvert.